Le Père Bernard VIGNERAS


(le populaire du centre, 13 novembre 2019):

Les trois paroisses de Notre-Dame de Lorette, Saint-Martin-en-Basse-Marche et Saint-Pierre-Saint-Paul respectivement à Bellac, au Dorat et Bessines-sur-Gartempe sont depuis un an regroupées sous l'égide du père Vigneras. 

Ce mardi matin, le père Vigneras était à son bureau. Pourtant ce prêtre à l'humour certain, qui officie dans le nord de la Haute-Vienne, est plus souvent sur les chemins, qu'assis à sa table de travail.

Le curé des trois paroisses du nord du département, regroupant 47 communes, chapeaute le travail des trois prêtres officiant chacun pour sa paroisse. Alors qu'est-ce que cela signifie d'être curé ? Comment s'organise son travail et comment fait-il vivre religieusement ce territoire ?

Trois questions au père Vigneras : 

Comment s'organise votre travail concrètement ? Qu'est-ce que cela signifie d'être curé de trois paroisses ?

« Tout d'abord un peu de vocabulaire, parce que ce n'est pas toujours évident : tous les prêtres ne sont pas curé mais tous les curés sont forcément prêtre. Curé est une des fonctions que peut occuper un prêtre.

Donc, en tant que curé des trois paroisses, je travaille avec les trois prêtres qui officient : le vicaire Agnew à Chateauponsac ordonné depuis l'année dernière, et les deux prêtres Ducoux qui travaille à Limoges aux questions de mariage, et Tison de la fraternité des serviteurs du cœur de Jésus, qui rendent service pour les différentes messes sur le secteur.

Personnellement en plus de mon travail d'étude et des offices, je m'occupe de l'organisation générale, de celle des messes, de la gestion économique, des inscriptions au catéchisme, je rencontre les uns et les autres... En somme, je fais vivre trois paroisses avec tout ce que cela comporte. Heureusement pour cela je ne suis pas seul, je pourrais décider de tout, tout seul, des heures de messe ou autre, mais ça irait à l'encontre de tout ce sur quoi je travaille. C'est vital (au sens premier du terme) d'écouter les autres, de déléguer, de faire confiance... »

Le père Vigneras peut se reposer sur toutes les équipes qu'il a autour de lui et qui l'aident tout en faisant preuve d'initiatives. Pour se ressourcer, régulièrement le père Vigneras s'offre deux jours de retraite pour prier.  

Aujourd'hui, dans le Nord de la Haute-Vienne, en quoi consiste votre travail, que demandent les gens qui vous sollicitent ?

« D'un point de vue purement pratique, les gens viennent me voir pour demander des messes, de prier pour eux, pour un enterrement... Mais la réalité c'est que les gens viennent surtout pour être écoutés, entendus, reconnus. Parfois je ne suis qu'un relais, un médiateur, je n'ai pas les réponses à tout et je les renvoie par exemple vers des assistantes sociales ou je permets de refaire le lien avec leurs parents...

Mais je ne suis pas le seul à faire vivre ces églises, cette vie religieuse. Il y a par exemple les groupes de lecture biblique qui regroupe une dizaine de personnes à Val d'Issoire et une vingtaine pour Bellac. Il y a aussi quelqu'un qui est venu me demander si je pouvais mettre à la disposition d'un petit groupe une salle pour débattre des questions qui les préoccupaient, j'ai dit "oui bien sûr", et je serai présent aussi à ces groupes de paroles, de questionnements... Parfois les gens pensent que le contraire de la Foi est le doute, mais non, le contraire de la Foi c'est la peur, il est normal de douter, de se poser des questions, c'est d'ailleurs comme cela qu'on se nourrit, qu'on reste ouvert au reste et aux autres. À la rencontre de l'autre, quelque chose de nouveau naît.

 -Il y a un autre enjeu, primordial sur ce territoire, une question que je me pose sans cesse : il faut sortir du "c'est vieux, c'est mort..." et ma question c'est "est-ce qu'on sera capable de regarder les atouts, est-ce qu'on aura des projets ?" Parce que là où l'on a des projets, il se passe des choses. »

Le père Vigneras parle aussi de ces églises qui restent ouvertes, contrairement à beaucoup d'autres endroits en France où elles sont fermées pour protéger leurs trésors. « Il faut qu'elles restent des lieux de vie, qu'on y célèbre des mariages, des baptêmes. (...) Je remercie les municipalités qui les préservent, les rénovent pour qu'elles restent en bon état et que tous ceux qui le veulent puissent y rentrer. J'ai vu des gens rentrer dans des églises, simplement parce que c'est beau, pour écouter le silence, ou pour réfléchir sur eux-mêmes, sans forcément que cela ait à voir avec la religion. »

Qu'est-ce qui vous interpelle dans le monde d'aujourd'hui au regard de ce que vous vivez tous les jours ? Comment réagissez-vous à la possibilité que les diacres puissent officier et des possibles mutations que pourrait vivre l'Église ? 

« Que les diacres officient, ça ne me pose pas de problème en soit. Cela revient aux mêmes questions que la place des femmes dans l'Église... Peut-être la solution est de repenser une réorganisation plus large, si les diacres officient mais que le fonctionnement reste monarchique, ça ne changera pas grand chose. Je crois au déploiement, à la relation entre les groupes, confions des ministères à des femmes par exemple.

Si on reproduit toujours pareil, alors on va épuiser le système. Tout le monde n'a pas le même talent, on doit valoriser la diversité, ce qui compte c'est le bien de la communauté. »

Pour ce qui est de l'observation qu'il a sur le monde autour de lui, le prêtre parle d'Amour sans naïveté, de la peur qui paralyse, et de ce qui règne sur nos cœurs.

« Je suis étonné de voir à quel point les gens sont marqués par la peur. Pour le travail, l'argent, le terrorisme, les relations amoureuses... Mais si on passe son temps à se méfier, on ne fait pas confiance, et à toujours pointer les mauvaises nouvelles on entretient ça, l'entre-soi, et donc on se met à avoir peur des autres, de tout... Et la peur ça paralyse. Je n'ai pas à avoir peur des gens. Et ce que je dis de la Foi, on le vit dans l'expérience humaine : on ne peut pas douter de tout et de tous sans naïveté bien sûr. Je repense à une phrase que le Pape François a prononcé dans son discours sur la Sainteté : "La Sainteté ce n'est pas les choses immenses mais par les petites choses du quotidien." Il a raison, il faut prendre le temps de dire "merci pour ce moment" ou "j'ai aimé quand tu as fait ceci ou cela". C'est ça qui a fait le succès de Jésus, et parfois en prière je lui demande cela, c'est sa liberté : c'est parce qu'il était libre que les gens se présentaient à lui libres aussi, tels qu'ils sont. »

Pour toutes les questions, le père Vigneras parle de Foi, de questionnements, de déléguer et de diversifier pour découvrir et valoriser le talent de chacun. Il parle aussi de communication positive, d'Amour « qui n'est pas n'importe quoi », il se pose des questions sur ce territoire qu'il parcourt tous les jours, sur ses enjeux et ses initiatives religieuses ou non.

(le populaire du centre, 13 novembre 2019)