vendredi 24 décembre 2021

HOMELIE DE NOEL.

 Homélie Noël 2021.

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Dans le creux des nuits du monde,
avec les lentes germinations qui aspirent à la lumière, le secret de la vie prend le temps de naître. Nuit des grandes patiences, dans les errements des ombres. Il faut toujours laisser la route creuser son sillon pour que l’envie de marcher dure longtemps. Ils viennent de loin. Ils sont un premier Testament tout entier. Leur Dieu s’est approché et la parole en secoue plus d’un. Vent des prophètes et sagesse des doux. Folie d’une histoire longue comme un jour sans pain. Il vient de loin, ce peuple qui marchait dans les ténèbres. Il vient du temps du long désir. Nuques raides et louanges infinies. Exode et exil. Silence de la mort et joie de la foi. Il vient de loin, ce peuple qui attend le Messie. Il ne saurait attendre autre chose tant il a pleuré les larmes de son espérance. « Jusqu'à quand, Seigneur, jusqu'à quand ? »

Jésus n’est pas tombé du ciel, si vous me permettez cette expression ! Depuis toujours, il habite les entrailles de ce bout d’histoire. Depuis toujours, il est, par-delà les péripéties qui façonnent et défont, pour avancer quand même, chercher encore, s’effondrer et repartir. Il est dans les mots qui délivrent Dieu et dans les mains qui bâtissent la paix. Il est le pain des fêtes et l’ivresse des lendemains qui chantent. Il est dans le deuil de la défaite et les chaînes de l’esclavage. Il est la route qui vous change.

Cette nuit, il prend visage dans un tout petit, Innocent et vulnérable. Complètement abandonné. Pauvre comme Job, sur la paille souillée par les bêtes. Dieu démasqué. Dieu très bas. Autrement Dieu. Est-ce bien sérieux quand on est Dieu ? Et pourtant, le voici, le Très Haut qui dit son vrai chemin en nous. Qui dit la vraie puissance. Qui dit l’amour qui descend au plus bas pour relever au plus haut.

« Je vous annonce une heureuse nouvelle, qui sera une grande joie pour tous ! » Cette nuit, la lumière vient sur notre monde. Elle fait le clair sur les cœurs, comme un glaive tranche. C’est la nuit d’une mémoire quand Dieu a pris chair sous le ciel de Bethléem. C’est aussi la nuit d’une mémoire promise, qui viendra dans le retour ultime du Fils de l’Homme, pour naître sur la terre nouvelle et dans les cieux nouveaux de l’éternité divine. Cœur d’enfant pour s’émerveiller devant le petit Dieu de Joseph et Marie. Cœur d’enfant pour accueillir le Royaume de Dieu dans le dépouillement de nos faux semblants et de nos vanités, quand nous paraîtront au Jour de Dieu. Heureuse nouvelle de la démesure du projet de Dieu pour nous. Souffle, Esprit de Dieu, souffle la joie de la rencontre !

Il n’est donc plus de nuit pour arrêter Dieu ! Il n’est plus d’abime, qu’il n’ait lui-même exploré. Il n’est plus de vide, qu’il n’habite discrètement de sa présence. Il n’y a plus de peur qu’il n’ait déjà traversée. Epuise toi, sœur Mort, car il porte la vie. Noël n’est pas un jeu d’enfant ; Noël, c’est un enfant qui nous regarde dans les yeux. Qu’avons-nous fait de lui ?

Une grande lumière s’est levée. Elle ne s’éteindra plus. Elle brille dans les visages pauvres, et dans les visages appauvris de leurs suffisances. Elle illumine les mains qui s’ouvrent et rend sots les poings fermés. Elle renverse les insolents de puissance pour choisir les assoiffés de justice. Elle imagine un monde nouveau qui brûle la morgue de ceux qui croient toujours savoir. Elle possède le vent pour déposséder les marchands. Elle chante un Dieu amoureux. Elle rêve dans les yeux du petit qui regarde le ciel.

Admirable échange ! Celui que le monde ne peut contenir se blottit dans la crèche de nos cœurs. Celui qui s’abandonne dans la mangeoire nous fera entrer au banquet du Royaume. Nous voici grands dans l’océan du cœur de Dieu, nous qui clapotions dans les mesquineries de nos calculs !

Dans le monde d’aujourd’hui, avec tout ce qu’il est, au creux de ses nuits comme de ses espérances, un enfant vient nous prendre par la main. 

Amen.